Luxembourg
16, boulevard Royal – L-2449 Luxembourg
 
Lundi au vendredi
8h00 à 17h00

Les obligations High Yield en période d’incertitude économique et politique : risques accrus ou opportunités à saisir ?

 Toutes les actualités
 

Dans un contexte de volatilité accrue et d'incertitudes économiques, les obligations à haut rendement suscitent un intérêt renouvelé. Offrant des rendements attractifs avec une volatilité historiquement moindre que les actions, cette classe d'actifs mérite une analyse approfondie. Entre potentiel de performance et risques spécifiques, les obligations High Yield constituent-elles une opportunité de diversification pertinente ?

Introduction

Les périodes d’incertitude économique s’accompagnent très souvent d’une volatilité accrue sur les marchés financiers. Pour y faire face, les investisseurs, soucieux de protéger leurs portefeuilles, doivent alors adapter leur stratégie afin de minimiser les pertes tout en saisissant les opportunités disponibles.

Parmi les classes d’actifs sensibles à ces dynamiques, les obligations à haut rendement (High Yield) occupent une place particulière. Considérées comme plus risquées que les obligations souveraines des pays développés ou des grandes entreprises stables, elles disposent d’une notation crédit plus faible et compensent donc ce risque accru par des rendements plus élevés.

Table 1 : Comparaison des rendements et sensibilités de segments de marchés au 01/10/2025

Segment de marché Rendement Sensibilité aux taux
Dette d'entreprises Investment Grade en euro 3,07% 4,43
Dette d'entreprises High Yield BB en euro 4,12% 3,44
Dette souveraine pays développés notés AAA-A en euro 2,81% 7,1
Dette souveraine des pays émergents en euro 4,14% 5,84

Source : Bloomberg and ICE

A l’heure actuelle, cette opportunité de diversification mérite d’être analysée dans un contexte où la dette des pays développés fait face à un risque croissant de perte de crédibilité à long terme en raison du relâchement de la discipline budgétaire et de déficits persistants – la situation actuelle en France illustrant ces fragilités.

Sensibilité des obligations High Yield aux cycles économiques

Historiquement, les émissions High Yield, qu’elles émanent d’émetteurs souverains ou d’entreprises, ont tendance à réagir de façon significative aux évolutions macroéconomiques. De ce fait, elles peuvent offrir des opportunités d’achat intéressantes lorsqu’un écartement de spread reflète davantage un choc macroéconomique général qu’une détérioration réelle de leurs résultats. Par exemple, l’annonce de droits de douane par l’administration américaine a entraîné un élargissement des spreads sur l’ensemble du marché High Yield alors même que toutes les entreprises concernées n’étaient pas directement affectées par ces mesures. 

Evolution de l’indice d’incertitudes économiques mondiales et des spread High Yield

 
Source : Bloomberg

Ainsi, les obligations souveraines essentiellement émises par les pays en développement sont particulièrement exposées aux chocs économiques mondiaux et aux perturbations géopolitiques. Le caractère plus cyclique de leurs économies, souvent concentrées sur un nombre limité de secteurs, les rend plus vulnérables à ces chocs que les économies développées. En raison de leur diversification économique moins importante, un choc touchant une activité clé peut rapidement provoquer des déséquilibres majeurs et entraîner une instabilité économique généralisée. Par ricochet, les marchés demandent une rémunération plus importante sur la dette de ces pays, limitant leur capacité de refinancement. Ce cercle vicieux a entraîné à plusieurs reprises des économies dans des situations de restructuration.

Dans ce genre d’environnement, l’aversion au risque augmente et les investisseurs tendent à se replier vers la dette souveraine développée, jugée moins risquée en termes de défaut.

Les obligations privées subissent également une pression considérable lors des ralentissements économiques. Les entreprises voient en effet leurs coûts de financement augmenter et leur accès aux marchés se réduire. Logiquement, celles qui présentent des bilans fragiles ou qui ont des besoins de refinancement importants sont les premières à payer les frais de ces environnements restrictifs.

Ainsi par exemple, lors de la crise financière de 2008, les obligations High Yield ont enregistré des baisses significatives, avec une chute de 30%, tandis que la crise liée au Covid-19 en 2020 a provoqué une diminution de 20%. Ces périodes montrent à quel point les obligations High Yield (voire même dans certaines situations, les obligations Investment Grade) peuvent être sensibles aux cycles économiques, même si, tant que les émetteurs n'entrent pas en défaut, les pertes restent latentes.

Opportunités et risques pour les souverains High Yield…

Les émetteurs souverains High Yield présentent des opportunités d'investissement intéressantes, notamment les pays dont la gouvernance est axée sur la diversification économique et une réduction de leur dépendance aux exportations traditionnelles qui leur permet de mieux résister aux fluctuations de leurs partenaires commerciaux étrangers. Le Costa Rica par exemple offre des perspectives intéressantes grâce aux réformes économiques engagées et à sa gestion prudente des finances publiques.

Les nations d’Europe de l'Est quant à elles profitent de leur proximité géographique avec les marchés développés européens et de leurs efforts pour diversifier leurs économies. Certains pays se démarquent ainsi par leur capacité à attirer des investissements directs étrangers, soutenant leur croissance économique même en période de ralentissement.

Cependant, les défis persistent. L'instabilité politique et la vulnérabilité aux chocs externes, tels qu'une hausse soudaine des taux d'intérêt ou une crise géopolitique, restent des risques majeurs pour ces émetteurs. La crise inflationniste de 2021-2022 a illustré la difficulté de certaines économies à maintenir la stabilité économique face à des conditions globales défavorables.

… et pour les obligations d’entreprises High Yield

Les obligations d’entreprises High Yield, bien que moins exposées aux fluctuations des devises, ne sont pas pour autant exemptes de risques en période d’incertitude économique. Si les secteurs défensifs tels que la Santé, les Services aux collectivités ou encore l’Alimentation sont plus résilients et résistent généralement mieux, les entreprises des secteurs cycliques, comme la Consommation discrétionnaire, sont souvent les plus touchées par des phases de ralentissement économique. Sur les marchés financiers, cela se matérialise par un écartement de spread par rapport aux taux sans risque.

La volatilité des obligations d’entreprises High Yield en période de crise est souvent marquée par des écartements de spreads qui peuvent être significatifs, mais aussi par des rebonds rapides une fois les conditions économiques stabilisées. Par exemple, après la crise financière de 2008, l'indice des obligations européennes notées BB-B a récupéré son niveau en seulement six mois.

Malgré ces phases de volatilité, les obligations d’entreprises High Yield affichent, sur 20 ans, une performance annualisée de 5,6%, légèrement inférieure à celle de l’indice actions MSCI Europe, qui s’établit à 7,1%. De plus, ces obligations restent nettement moins volatiles que les actions européennes, avec une volatilité de 4,78% contre 18,20% pour l’indice boursier européen1.

Evolution de la performance d’un indice action européen vs un indice obligataire High Yield Euro et indice obligataire Investment Grade


Source : Bloomberg

Analyse des risques, sélectivité et diversification

Compte tenu de la complexité de cette classe d’actifs, liée notamment à sa plus forte volatilité et au risque accru de défaut, il est indispensable de l’aborder avec une approche rigoureuse d'analyse des risques et une grande sélectivité. Les investisseurs doivent surveiller de près tant les fondamentaux macroéconomiques et microéconomiques que les indicateurs idiosyncratiques. Il ne faut pas non plus négliger le rôle clé que joue la diversification : en répartissant les investissements entre différentes régions et secteurs, il est possible d’atténuer les risques liés à la volatilité et aux défauts de paiement.

Conclusion : Une classe d'actifs résiliente et porteuse d'opportunités

Dans un contexte économique incertain, l’intégration, dans leur portefeuille, d’obligations High Yield, qu'elles soient souveraines ou d’entreprises, s’est avérée judicieuse pour les investisseurs à la recherche de rendements attractifs. En effet, bien que ces titres soient plus risqués et volatils, leur potentiel de reprise est significatif lorsque les perspectives économiques s'améliorent.

Pour autant, et jusqu'à preuve du contraire, la dette publique des pays développés conserve un rôle de valeur refuge en période de détérioration économique, même si elle n’est plus totalement exempte de questionnements sur le long terme.

Ainsi, dans un environnement où la soutenabilité des dettes publiques des économies développées suscite des interrogations croissantes, les obligations High Yield qui allient rendement attrayant et potentiel de rebond constituent une option de diversification pertinente pour peu qu’elles fassent l’objet d’une analyse rigoureuse compte tenu du risque accru encouru.

 

1 Source : Bloomberg, Données du 03/01/2006 au 09/09/2025, devise EUR.


 

Rédigé par Jean-Albert Carnevali, Gérant obligataire et Maxime Smekens, Analyste obligataire

BLI - Banque de Luxembourg Investments, une société de gestion approuvée par la Commission de Surveillance du Secteur Financier Luxembourg (CSSF).

Date finale de rédaction : 07 octobre 2025

Date de publication : 13 octobre 2025 à 14h10

 

Notice légale

Ce document a été rédigé par BLI - Banque de Luxembourg Investments (“BLI”), avec la plus grande attention et le plus grand soin. Les visions et opinions formulées dans cette publication sont celles de leurs auteurs et ne doivent en aucun cas lier BLI. Les informations économiques et financières incluses dans cette publication sont communiquées à des fins d’information uniquement sur la base des informations connues à la date de publication. Ces informations ne constituent pas un conseil d’investissement ou incitation à investir, ni ne doivent être interprétées comme des conseils légaux ou fiscaux. Chaque information doit être utilisée avec la plus grande précaution. BLI ne donne aucune garantie quant à l’exactitude, la fiabilité, la récence ou l’exhaustivité de ces informations. La responsabilité de BLI ne pourra pas être invoquée du fait de la fourniture de ces informations ou en tant que résultante d’une décision prise par une personne, que celle-ci soit cliente de BLI ou non, basée sur ces informations, cette personne restant seule responsable de ses propres décisions. Les personnes intéressées doivent s’assurer qu’elles comprennent les risques inhérents à leurs décisions d’investissement et doivent s’abstenir d’investir tant qu’elles n’ont pas soigneusement évalué, en collaboration avec leurs propres conseillers professionnels, l’adéquation de leurs investissements à leur situation financière spécifique, en particulier concernant les aspects légaux, fiscaux et comptables. Il est également rappelé que les performances passées d’un instrument financier ne préjugent en rien des performances futures.