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Trouver sa voie entre tensions commerciales et incertitudes sur les droits de douanes

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Si les tensions commerciales ne font plus la une des médias, les risques qui y sont liés restent bien réels. Dans cet article, nous analysons le positionnement différent des entreprises face à ces risques et comment, en mettant l’accent sur la capacité de fixation des prix et la qualité des fondamentaux des entreprises, nous sommes en mesure de naviguer, avec discipline et précision, dans cet environnement en pleine mutation.

Les menaces sur les droits de douane émises en avril par le Président Trump ne dominent plus les débats et pourtant le sujet n’est pas définitivement clos. En coulisses, les négociations commerciales se poursuivent et les risques sous-jacents sont toujours bel et bien présents. Compte tenu de l’approche imprévisible de Donald Trump en matière de relations internationales, la possibilité d’une nouvelle guerre commerciale ne peut être écartée.

Dans un contexte de tensions géopolitiques accrues et d’incertitudes sur le front macroéconomique, la visibilité reste faible. En tant que gérant d’actifs, cela nous incite à revenir de manière disciplinée aux fondamentaux. Plutôt que de chercher à prédire les prochains revirements politiques ou la réaction des marchés, nous sommes convaincus que la stratégie la plus efficace est de se concentrer sur ce que nous maitrisons, à savoir l’analyse approfondie et « bottom-up » des entreprises de notre univers d’investissement. Notre objectif est d’identifier des entreprises de grande qualité, plus spécifiquement celles qui bénéficient d’une capacité de fixation des prix et d’une résilience opérationnelle leur permettant de protéger leurs marges face notamment à d’éventuelles perturbations du commerce mondial.

Au cours des derniers mois, afin de s’adapter à cet environnement, les gérants et analystes de BLI ont réexaminé les sociétés des portefeuilles avec ce prisme, évaluant dans quelle mesure chaque entreprise est exposée ou non à un regain des tensions commerciales. Les titres ont ainsi été classés en deux catégories, selon leur degré d’exposition à-ce risque (faible ou élevé), en fonction de l’alignement (ou non-alignement) entre la production et la consommation et du degré d’exposition au commerce international.

Entreprises à faible risque : production et consommation locales

Les entreprises dont les chaînes d’approvisionnement et la base de clientèle sont étroitement alignées sont naturellement protégées des perturbations en matière de droits de douane. Parmi les exemples les plus éloquents, citons Kweichow Moutai qui produit et distribue ses spiritueux exclusivement ou presque en Chine, ou Kobe Busan, une chaîne japonaise de supermarchés alimentaires qui s’approvisionne et vend localement.

Les prestataires de services basés aux Etats-Unis comme Rollins qui propose des services de luttes contre les nuisibles, rentrent également dans cette catégorie.

Les sociétés de services sont par définition généralement plus ancrées localement. C’est le cas par exemple d’Accenture dont les services de conseil sont généralement assurés par des équipes locales ou Kone, le fabricant d’ascenseurs dont une grande partie du chiffre d’affaires provient des services de maintenance réalisés localement.

Même les grandes multinationales comme Unilever affichent un modèle économique structurellement résistant face aux barrières douanières puisque leurs produits sont le plus souvent fabriqués dans les régions où ils sont consommés.

Pour ces entreprises à faible risque, les guerres commerciales constituent une préoccupation secondaire plutôt qu’une menace fondamentale pour leurs activités.

Entreprises plus risquées : manque d'alignement à l'échelle globale et dépendance vis-à-vis des États-Unis

À l'autre extrémité du spectre, se trouvent les entreprises basées aux États-Unis ou celles qui sont fortement exposées au marché américain, mais qui ne disposent pas de capacités de production locales, ce qui les rend plus vulnérables aux droits de douane et aux tensions commerciales.

Les multinationales américaines telles que Nike ou Apple qui dépendent fortement d’une production à l’étranger tout en vendant leurs produits dans le monde entier (et essentiellement hors des pays de production), illustrent ce manque d’alignement.

De même les entreprises américaines, comme le brasseur Constellation Brands ou l’équipementier médical Masimo, qui importent une part importante de leurs produits à destination principalement du consommateur américain, sont exposées à des pressions sur les coûts lorsque les droits de douane augmentent.

Les sociétés exportatrices non américaines sont confrontées aux mêmes risques. Ainsi, TSMC produit la majorité de ses puces électroniques à Taïwan mais est très dépendante de clients américains importants comme Apple ou Nvidia. Techtrononic Industries, fabricant d’outils électriques qui réalisent la majorité de ses ventes aux Etats-Unis alors que ses sites de production sont localisés en Chine et d’autres pays émergents, voit également son modèle économique mis en difficulté.

Cette vulnérabilité s’étend aussi aux marques de luxes européennes et aux producteurs de boissons alcoolisées comme Hermès, LVMH ou Diageo qui exportent aux Etats-Unis et dépendent donc du commerce international pour atteindre les consommateurs américains.

Le rôle crucial de la capacité de fixation des prix pour les entreprises considérées comme étant plus à risque

Chez BLI, notre méthodologie consiste à identifier les price makers, c'est-à-dire les entreprises qui disposent d'une capacité de fixation des prix leur permettant de protéger leurs marges et de soutenir la demande, même lorsque les pressions géopolitiques et économiques s'intensifient.

Au sein de cette catégorie d’entreprises plus exposées et face à la pression croissante sur le modèle d’activité de ces sociétés, nous avons réévalué les avantages concurrentiels des titres en portefeuille, en nous concentrant plus particulièrement sur leur capacité à faire passer une augmentation de leurs coûts (y compris les droits de douane) aux consommateurs finaux.

La véritable capacité de fixation des prix découle d’avantages structurels multiples qui, ensemble, assurent la fidélité des clients et leur permettent de maintenir leurs marges, même lorsqu’elles sont sous pression.

  • La solidité de la marque et la fidélité des clients constituent la clé de voûte : une marque de luxe comme Hermès a su créer des liens émotionnels si intenses avec ses clients que les augmentations de prix n’ont généralement qu’un impact minime sur la demande ;
  • Les coûts de transfert représentent généralement un autre rempart (moat) efficace ; les clients étant réticents à changer de fournisseur si ce transfert implique des inconvénients, des risques voire des dépenses supplémentaires. Le positionnement des sociétés de logiciels comme Microsoft illustre cet exemple ;
  • Les effets de réseau génèrent un cercle vertueux pour la proposition de valeur, le produit gagnant en valeur à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente. Prenons l’exemple de plateformes telles que Visa ou Mastercard où les commerçants ont besoin de servir les détenteurs de carte et vice versa ;
  • Les économies d’échelle permettent aux leaders de marché d’opérer à des coûts unitaires inférieurs à ceux de leurs concurrents, ce qui leur permet soit de maintenir des marges plus élevées, soit de baisser les prix pour gagner des parts de marché ;
  • Enfin, grâce à l’innovation et à l’avantage technologique, une société comme ASML est en mesure d’imposer des prix élevés grâce à ses capacités de pointe dans la fabrication de semi-conducteurs, que ses concurrents ne peuvent pas facilement reproduire.

Ces avantages concurrentiels se combinent même parfois offrant aux sociétés une protection encore plus forte dans des environnements incertains. Par exemple, alors qu’une première analyse classe Apple dans les sociétés exposées aux barrières douanières, l’entreprise a démontré qu’elle pouvait augmenter les prix tout en conservant la fidélité de sa clientèle grâce à son écosystème très intégré et à la force de sa marque. De même, les économies d’échelle de TSMC, combinées à un quasi-monopole dans la fabrication des semi-conducteurs de pointe, lui confèrent un avantage stratégique auprès de clients qui ont peu d’alternatives.

Ces entreprises générant de fortes marges brutes n’ont besoin d’augmenter que légèrement leurs prix de vente pour compenser la hausse de leurs coûts liée à l’augmentation des droits de douane. Etant donné que les droits de douane s’appliquent aux coûts de production et non au prix de détail final, elles peuvent maintenir à la fois leurs marges et le positionnement de leur marque sans mettre trop à risque la demande.

Il convient donc de faire une distinction claire : toutes les entreprises touchées par les droits de douane ne souffriront pas de la même manière. Face à la montée des barrières commerciales, les entreprises ont généralement deux choix : soit absorber les coûts supplémentaires et accepter une compression de leurs marges, soit augmenter leurs prix et risquer une baisse de leurs volumes de vente. Les price makers optent généralement pour la deuxième option, sachant que leurs clients sont prêts à payer plus cher pour leurs produits ou services et que l'impact négatif sur leurs volumes sera donc très probablement de courte durée.

Conclusion : connaître nos titres pour renforcer la résilience du portefeuille

Alors que nous entrons dans une ère marquée par des politiques commerciales imprévisibles et des tensions géopolitiques croissantes, il est essentiel de comprendre comment chaque titre en portefeuille pourrait réagir à différents scénarios de tensions commerciales. À cette fin, nous avons contacté les principales sociétés de nos portefeuilles afin d'obtenir des informations supplémentaires et avons consulté des rapports de recherche sur ce thème. Cependant, il est également évident que si l'environnement est incertain pour nous, gérants d'actifs, il l'est tout autant pour les entreprises elles-mêmes et pour l'impact exact sur leurs chaînes d'approvisionnement. Les investisseurs doivent donc être plus sélectifs que jamais dans le choix des entreprises dans lesquelles ils décident d'investir.

Chez BLI, notre approche ne consiste pas à éviter tout risque, mais plutôt à le comprendre et à l'évaluer correctement. Cette dynamique en constante évolution nous a incités à procéder à des ajustements ciblés de nos portefeuilles, afin de nous assurer que nos investissements restent concentrés dans des entreprises disposant d'une véritable capacité de fixation des prix et de la résilience nécessaire pour naviguer dans un environnement commercial mondial en rapide évolution.

 

Rédigé par Marc Erpelding, gérant actions
BLI - Banque de Luxembourg Investments, une société de gestion approuvée par la Commission de Surveillance du Secteur Financier Luxembourg (CSSF)
Date finale de rédaction: 08 juillet 2025
Date de publication: 10 juillet 2025 à 16h00

Notice légal

Ce document a été rédigé par BLI - Banque de Luxembourg Investments (“BLI”), avec la plus grande attention et le plus grand soin. Les visions et opinions formulées dans cette publication sont celles de leurs auteurs et ne doivent en aucun cas lier BLI. Les informations économiques et financières incluses dans cette publication sont communiquées à des fins d’information uniquement sur la base des informations connues à la date de publication. Ces informations ne constituent pas un conseil d’investissement ou incitation à investir, ni ne doivent être interprétées comme des conseils légaux ou fiscaux. Chaque information doit être utilisée avec la plus grande précaution. BLI ne donne aucune garantie quant à l’exactitude, la fiabilité, la récence ou l’exhaustivité de ces informations. La responsabilité de BLI ne pourra pas être invoquée du fait de la fourniture de ces informations ou en tant que résultante d’une décision prise par une personne, que celle-ci soit cliente de BLI ou non, basée sur ces informations, cette personne restant seule responsable de ses propres décisions. Les personnes intéressées doivent s’assurer qu’elles comprennent les risques inhérents à leurs décisions d’investissement et doivent s’abstenir d’investir tant qu’elles n’ont pas soigneusement évalué, en collaboration avec leurs propres conseillers professionnels, l’adéquation de leurs investissements à leur situation financière spécifique, en particulier concernant les aspects légaux, fiscaux et comptables. Il est également rappelé que les performances passées d’un instrument financier ne préjugent en rien des performances futures.

Marc Erpelding, Fund Manager

Marc est gestionnaire de fonds chez BLI. Après des études d'ingénieur en génie civil à l'école polytechnique de Zurich, Marc acquiert ses premières expériences dans l'industrie à Zurich et à New York. Après son Master en management au King's College à Londres, Marc a rejoint le département Gestion de Patrimoine de la Banque de Luxembourg en 2002. Marc obtient le titre de CIIA (Certified International Investment Analyst) en 2005 et est responsable pour les actions des pays émergents depuis 2007.

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