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Après l’année 2017 qui avait vu toutes les principales classes d’actifs enregistrer des gains importants et l’année 2018 qui les avait vu baisser, 2019 fut à nouveau un grand cru pour les marchés financiers. Malgré la poursuite des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, les incertitudes liées au Brexit, le ralentissement de la croissance mondiale, avec notamment une contraction des indicateurs économiques liés au secteur manufacturier et une croissance des bénéfices faible, voire négative, les marchés boursiers ont enregistré leur meilleure performance de ces dix dernières années. L’indice mondial MSCI progressant de plus de 26 % en euros. Alors que la baisse des cours boursiers en 2018 était due à la contraction des multiples de valorisation, leur remontée de l’année dernière s’expliquait, elle, par une nouvelle expansion de ces derniers. Dans les deux cas, la cause principale en fut la politique monétaire de la Réserve fédérale aux Etats-Unis. En 2018, celle-ci avait poursuivi le resserrement de sa politique monétaire entamée fin 2015 en haussant son taux directeur à 4 reprises. L’année dernière, elle a opté pour un revirement à 180 degrés, procédant à 3 baisses de ce taux.

Ce changement de cap de la banque centrale américaine fut incontestablement le fait marquant sur les marchés financiers en 2019. La situation économique aux Etats-Unis ne le justifiait pourtant pas : l’économie se trouve dans son cycle d’expansion le plus long depuis la deuxième guerre mondiale, le taux de chômage est au plus bas depuis 50 ans et le taux d’inflation, tout en restant modéré, a légèrement augmenté. Le fait que la Réserve fédérale a malgré tout relâché sa politique monétaire s’explique par la baisse du marché boursier au quatrième trimestre 2018. Avant ce changement de direction, les investisseurs ignoraient quelle serait la Réserve fédérale sous Powell. Depuis lors, ils savent que, la banque centrale américaine, comme ce fut le cas sous Yellen, continuera à mener sa politique en fonction des événements se déroulant sur les marchés financiers.

 

La Banque centrale européenne a, évidemment, rapidement emboîté le pas de la Réserve fédérale en allant encore plus loin dans sa politique absurde de taux négatifs. Un investisseur qui aurait passé les dix dernières années sur une autre planète, qui reviendrait aujourd’hui et constaterait que le taux directeur de la Banque centrale européenne est négatif, se dirait probablement que l’économie de la zone euro se trouve dans une dépression économique, similaire à celle des années 1930. Or, la croissance économique dans la zone euro n’a certes pas été extraordinaire lors de la décennie écoulée, mais elle a tout de même été positive et le taux de chômage a même fortement baissé sur les dernières années. En dépit de cette réalité, les autorités monétaires se sont enfermées dans une logique bizarre. Elles continuent à poursuivre des politiques extrêmes que les fondamentaux économiques ne justifient plus et qui semblent en grande partie influencées par le comportement des actifs à risque. Les effets à long terme de leurs politiques risquent d’être très négatifs. En décourageant l’investissement productif et la disparition des entreprises qui devraient faire faillite, leurs mesures tuent progressivement le dynamisme économique. D’autre part, elles encouragent le problème d’aléa moral et la prise de risques excessifs.  

Taux de chômage de la zone euro

Source : Macrobond

 

Si les politiques monétaires menées par les banques centrales sont contreproductives d’un point de vue économique, elles sont cependant rassurantes pour les investisseurs sur le court terme. Dans la mesure où les autorités monétaires ont clairement indiqué qu’elles sont prêtes à laisser l’inflation augmenter pendant un certain temps avant de procéder à un resserrement de leur politique, une hausse des taux directeurs d’une des principales banques centrales en 2020 peut en principe être exclue. Ceci devrait pour le moins aider à soutenir les cours des actifs financiers si ce n’est contribuer à une poursuite de la hausse de ceux-ci, à moins que la conjoncture mondiale ne se détériore au point de mettre en péril les résultats des entreprises. Une telle détérioration ne semble toutefois pas à l’ordre du jour dans un contexte d’accalmie des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, de politiques monétaires expansives et d’abandon progressif de l’austérité fiscale.

 

Le principal argument plaidant contre les actions est leur valorisation élevée. Sur base d’un certain nombre de ratios, les marchés boursiers sont aujourd’hui à des niveaux de valorisation proches de ceux de 1929 ou 1999. Les multiples de valorisation plus élevés qui prévalent aujourd’hui doivent toutefois être relativisés. Ainsi, trois éléments peuvent être avancés pour justifier des multiples plus élevés que par le passé. Tout d’abord, la rentabilité des entreprises a augmenté. Aux Etats-Unis, actuellement le ratio cash-flow excédentaire/chiffre d’affaires représente pratiquement le double de ce qu’il fut avant la crise financière. Ceci s’explique, en partie, non seulement par la composition de l’indice (avec notamment un poids accru du secteur de la technologie), et par des marges bénéficiaires plus élevées à la suite d’un meilleur contrôle des coûts mais également par des éléments plus tangibles, telle que la baisse du taux d’imposition et des charges financières à la suite du recul des taux d’intérêt. Ce recul est justement le deuxième facteur important qui justifie des multiples plus élevés. Ces multiples sont en quelque sorte une fonction inverse du taux sans risque. La plupart des modèles de valorisation actualisent des flux futurs (bénéfices, cash-flows, dividendes, …). Plus bas le taux d’actualisation utilisé, plus haut la valeur présente de ces flux futurs, et donc le multiple qu’un investisseur pourra payer. Par ailleurs, des taux bas renforcent également l’attrait des placements boursiers en diminuant celui des placements monétaires et obligataires. Enfin, un troisième élément expliquant des multiples plus élevés est le rapport offre/demande. Les fusions et acquisitions et rachats de titres et le nombre relativement faible de nouvelles introductions en bourse diminuant progressivement l’offre d’actions.

 

Etats-Unis : Flux de trésorerie disponible en % du chiffre d‘affaires

Source : Standard & Poor’s, Russell, FactSet, Crédit Suisse

 

Pour revenir au niveau des taux d’intérêt, il serait certainement naïf de penser que des taux bas justifient à eux seuls des multiples plus élevés. Par le passé, des taux bas ont souvent reflété une détérioration de la situation économique (ralentissement conjoncturel prononcé, récession, …). Une telle dégradation mettait en péril les bénéfices des entreprises de sorte que payer plus cher pour ces entreprises ne se justifiait pas. Ce qui est inhabituel dans le contexte actuel c’est que, comme indiqué plus haut, les taux sont historiquement bas sans qu’une telle détérioration n’ait eu lieu. Certes, la croissance économique est devenue plus faible dans les pays industrialisés mais elle est aussi plus stable. D’une certaine manière, on peut affirmer que l’environnement a rarement été aussi favorable aux multiples de valorisation des actions. Celles-ci profitent de taux d’intérêt très bas sans avoir à souffrir d’une situation économique particulièrement mauvaise qui justifierait la baisse de ces taux.

 

Toutefois, à la lecture de ce qui précède, il ne faudrait pas conclure que les multiples ne jouent plus aucun rôle. Une règle essentielle de tout investissement est que le prix payé détermine le rendement. Cependant, ce lien entre le prix payé et le rendement s’établit sur le long terme, et non sur le court terme. Le fait que les actions soient chères aujourd’hui ne donne aucune indication sur leur potentiel de rendement en 2020. Par contre, cela en dit long sur leur potentiel de rendement sur la décennie qui vient de commencer. Ce potentiel, tout comme celui des placements obligataires, paraît très faible à partir des niveaux actuels. En effet, le jour viendra où les éléments justifiant aujourd’hui des multiples plus élevés vont se retourner : les taux d’intérêt vont remonter et/ou la rentabilité des entreprises va diminuer. Confrontés à ce vent de face, les indices boursiers (et la gestion passive qui les reproduit) auront alors du mal à enregistrer des rendements positifs. Même si ce jour n’est pas encore arrivé, la vigilance reste de mise.

 

Rendements actuels au détriment des rendements futurs

Source : Bridgewater Associates

 

Un argument souvent avancé est que le marché américain est très cher, contrairement aux marchés européens ou asiatiques. Les différences de performance et de valorisation entre les principaux indices s’expliquent néanmoins essentiellement par la composition des indices respectifs. La pondération des entreprises de croissance est beaucoup plus importante dans les principaux indices américains avec en tête le secteur de la technologie qui représente près de 25 %, contre moins de 10 % sur le vieux continent. En Europe, ce sont par contre les entreprises du type ‘value’ dans des secteurs tels que la finance, les télécommunications ou les services publics qui sont davantage présentes. Dire que l’Europe va surperformer par rapport aux Etats-Unis revient dès lors à dire que le style ‘value’ va retrouver la faveur des investisseurs aux dépens du style ‘growth’. Il est vrai que la décote du premier par rapport au deuxième est historiquement élevée. Toutefois, une éventuelle surperformance du style ‘value’ s’avère éphémère tant que l’environnement macroéconomique ne change pas radicalement.   

 

Ce n’est pas parce qu’une nouvelle année a commencé qu’il convient de changer de stratégie d’investissement. Les éléments à l’origine de la hausse des cours boursiers en 2019, parmi lesquels il convient de signaler en premier lieu l’attitude des banques centrales, restent bien d’actualité. Le fait que cette hausse ait eu lieu malgré une décollecte des fonds actions montre que le scepticisme des investisseurs face aux actions reste important ce qui peut être considéré comme positif. Un investisseur devra par ailleurs être conscient que rester à l’écart des actions reviendrait, en quelque sorte, à renoncer à tout rendement étant donné que le rendement des autres classes d’actifs traditionnels (placements monétaires, emprunts d’Etat, emprunts d’entreprises de première qualité) est déjà devenu nul, voire négatif. Plutôt que de s’attarder outre mesure sur des considérations géographiques ou sectorielles, un investisseur devrait par ailleurs se rappeler que le marché boursier est un marché d’actions (« the stock market is a market of stocks ») et privilégier la sélection de valeurs individuelles. Il a le choix entre des valeurs de qualité qui sont plus chères mais offrent une bonne visibilité en termes de bénéfices et des valeurs de moindre qualité qui paraissent nettement moins chères mais dont les bénéfices sont bien plus erratiques et qui sont davantage influencées par les incertitudes économiques et politiques. Notre gestion privilégiera toujours les valeurs de qualité.  

 

Enfin, il convient de dire que les craintes d’une nouvelle crise financière et d’une chute importante des marchés causées par les problèmes systémiques sous-jacents sont certainement à prendre au sérieux. Cependant, elles semblent prématurées. De même, pour un investisseur rationnel, il n’est jamais plaisant de payer des multiples qui paraissent élevés dans un contexte historique. En même temps, un investisseur devra agir s’il veut protéger ou augmenter son pouvoir d’achat. Ne rien faire est aussi une décision. Par rapport aux placements monétaires et obligataires qui de toute façon ne rapportent plus rien et qui sont le plus à risque en cas de nouvelle crise financière, les actions ont au moins l’avantage de représenter des actifs réels.

 

Encore un mot sur l’or. Après avoir passé plusieurs années dans un marché baissier, le métal jaune pourrait avoir retrouvé sa tendance haussière. Il est négativement corrélé au niveau des taux réels (c’est-à-dire ajustés pour l’inflation) et une hausse de ces derniers ne semble pas à l’ordre du jour. En même temps, il représente une forme d’assurance contre les risques financiers et géopolitiques. Le fait que les banques centrales figurent à nouveau dans la liste des acheteurs montre par ailleurs qu’elles ne semblent pas trop à l’aise avec leurs propres politiques (même s’il convient de noter que ce sont surtout les banques centrales des pays en développement qui achètent).

 

Guy Wagner, Chief Investment Officer 

D’origine d’une famille d’entrepreneurs au Luxembourg et licencié en Sciences Économiques de l'Université Libre de Bruxelles, Guy a rejoint la Banque de Luxembourg en 1986, où il fut successivement responsable des départements Analyse Financière et Asset Management. Il devient ensuite Administrateur-Directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments, société de gestion nouvellement créée en 2005.

Depuis juillet 2022, il se consacre exclusivement à son rôle de Chief Investment Officer, à la gestion des portefeuilles et à la direction de l’équipe en charge de la gestion des différents fonds.

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